Le salarié peut opposer à l'employeur le vice affectant son licenciement verbal
Le 20/02/2013, par la Rédaction de Net-iris.
Celui qui laisse un message sur le répondeur téléphonique de son interlocuteur ne peut ignorer que ses propos sont enregistrés et sait qu'ils lui sont opposables.
Selon un Arrêt de rejet de la Chambre sociale de la Cour de cassation rendu le 06/02/2013, si l'enregistrement d'une conversation téléphonique privée, effectué à l'insu de l'auteur des propos invoqués, est un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue, par contre l'utilisation par le destinataire des messages téléphoniques vocaux dont l'auteur ne peut ignorer qu'ils sont enregistrés par l'appareil récepteur, est licite. Dès lors que les enregistrements permettent d'établir que le salarié a été licencié verbalement, le juge peut condamner l'employeur pour vice de forme.
Analyse de la décision de jurisprudence
Lorsqu'une personne laisse sur la messagerie téléphonique d'une autre, un message personnel, elle sait désormais que les propos qu'elle tient peuvent lui être opposés en justice dans le cadre d'un litige l'opposant à cette personne. Un tel procédé n'est pas déloyal. Tel en a décidé la Cour de cassation dans un arrêt du 6 février 2013.
La chambre sociale a en effet admis que "si l'enregistrement d'une conversation téléphonique privée, effectué à l'insu de l'auteur des propos invoqués, est un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue, il n'en est pas de même de l'utilisation par le destinataire des messages téléphoniques vocaux dont l'auteur ne peut ignorer qu'ils sont enregistrés par l'appareil récepteur".
Dans le cas où le destinataire du message souhaite se servir de l'enregistrement comme un élément preuve, il doit au préalable faire appel à un huissier qui attestera le contenu du message, le jour et l'heure de l''enregistrement du message ainsi que le numéro de téléphone de l'appelant.
Pour condamner l'employeur à verser au salarié des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la Cour d'appel a jugé, sans dénaturer les retranscriptions des messages vocaux laissés par l'employeur sur le téléphone mobile du salarié, que les éléments de fait qui lui étaient soumis établissaient que le salarié avait été licencié verbalement le 24 décembre, ce qui ouvrait droit à indemnité pour non respect de la procédure et licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Arrêt de la Cour de cassation, Chambre sociale, rendu le 06/02/2013, rejet (11-23738)
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 29 juin 2011), que M. X... a été engagé en qualité de livreur vendeur à compter du 7 juin 2007 par Mme Antuna Y... ; qu'il a été licencié pour faute grave par lettre du 28 janvier 2010 ; que soutenant avoir fait l'objet d'un licenciement verbal le 24 décembre 2009, M. X... a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement de diverses sommes ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1) - Que l'utilisation, par leur destinataire, de messages laissés sur le répondeur vocal d'un téléphone mobile, qui ne sont pas assimilables à des écrits, est un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue, même si l'auteur ne peut ignorer qu'ils sont enregistrés par l'appareil récepteur ; qu'en jugeant que l'utilisation par M. X... des messages laissés sur la boîte vocale de son téléphone mobile par Mme Antuna Y... constitue un procédé loyal, rendant recevable en justice la preuve obtenue, la cour d'appel a violé les articles 9 du code civil et 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2) - Que les messages laissés sur le répondeur d'un téléphone mobile n'ont pas, dans l'esprit de leur auteur, vocation à être conservés, de sorte que leur conservation puis leur retranscription à l'insu de leur auteur constitue un procédé déloyal, rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue ; qu'en jugeant qu'il ne saurait être reproché à M. X... d'avoir conservé les messages téléphoniques que Mme Antuna Y... lui avait laissés sur son téléphone mobile et de les avoir fait retranscrire par un huissier de justice habilité à cette fin, la cour d'appel a violé les articles 9 du code civil et 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3) - Que les juges ne peuvent dénaturer les pièces qui leur sont soumises ; qu'il résulte de la retranscription des propos de Mme Antuna Y..., telle que rapportée par la cour, que celle-ci a demandé à M. X... de quitter le magasin dans la journée du 24 décembre 2009 parce qu'il était "impossible de faire Noël" avec ce dernier ; qu'en retenant qu'il résultait des propos retranscrits que Mme Antuna Y... avait licencié verbalement le salarié le 24 décembre 2009, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de la retranscription des propos imputés à Mme Antuna Y... et a ainsi violé l'article 1134 du Code civil ;
4) - Que le licenciement est l'acte unilatéral par lequel l'employeur manifeste une volonté claire et non équivoque de rompre le contrat ; qu'il appartient au salarié, qui invoque l'existence d'un licenciement verbal d'en rapporter la preuve ; qu'en relevant que "les retranscriptions des messages adressés à M. X... établissent que Mme Antuna Y... l'a congédié verbalement le 24 décembre 2009", sans caractériser une manifestation de volonté claire et non équivoque de Mme Antuna Y... de rompre le contrat de travail de M. X..., le 24 décembre 2009, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L1231-1 du Code du travail et 1134 du Code civil ;
5) - Que le licenciement est l'acte unilatéral par lequel l'employeur manifeste une volonté non équivoque de rompre le contrat ; que le fait, pour un employeur, d'intimer l'ordre à un salarié de quitter le lieu de travail ne peut s'assimiler à un licenciement verbal, dès lors qu'il a été immédiatement demandé à ce dernier de reprendre son poste, ce qui rend équivoque la volonté de l'employeur de rompre le contrat de travail ; qu'en jugeant que les propos tenus le 24 décembre 2009 par Mme Antuna Y... sur le lieu de travail s'interprétaient en un licenciement verbal, malgré les demandes de reprendre le travail immédiatement et vainement adressées au salarié, la cour d'appel a violé les articles L1231-1 du Code du travail et 1134 du Code civil ;
Mais attendu, d'abord, que si l'enregistrement d'une conversation téléphonique privée, effectué à l'insu de l'auteur des propos invoqués, est un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue, il n'en est pas de même de l'utilisation par le destinataire des messages téléphoniques vocaux dont l'auteur ne peut ignorer qu'ils sont enregistrés par l'appareil récepteur ;
Attendu, ensuite, que c'est par une interprétation exclusive de dénaturation des retranscriptions des messages vocaux laissés par l'employeur sur le téléphone mobile du salarié que la cour d'appel a retenu, appréciant souverainement les éléments de fait qui lui étaient soumis, qu'il était établi que le salarié avait été licencié verbalement le 24 décembre 2009 ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
(...)
Par ces motifs : Rejette le pourvoi ;