Egalité de traitement entre cadres/non-cadres: CGT et CFDT intégralement déboutées de leurs demandes
Le jugement était très attendu. C’est la première fois qu’une convention collective est attaquée par un syndicat sur le fondement de l’égalité de traitement entre cadres et non-cadres. Résultat : la CGT et la CFDT sont intégralement déboutées de leurs demandes.
Ce sont six articles de la convention collective Syntec qui étaient dans le collimateur. Six dispositions qui prévoient des avantages différents pour les cadres et les non-cadres. Au menu, la durée du préavis, l’indemnité de licenciement, le paiement du travail habituel de nuit, du dimanche et des jours fériés, l’incapacité temporaire de travail, les moyens de transport, voyages et transports. Ni signataire ni adhérente de la convention, la CGT a invoqué le caractère illicite de ces diverses clauses et demandé au TGI de Paris qu’il « ordonne aux organisations syndicales patronales de convoquer l’ensemble des organisations syndicales représentatives à une négociation en vue de mettre les dispositions qu’elle critique en conformité avec le principe d’égalité ».
À ses côtés, la CFDT, adhérente à l’accord, exigeait quant à elle que « les avantages les plus favorables soient étendus à l’ensemble des salariés », à l’exception du préavis dont les différences instituées entre les cadres et les non-cadres lui paraissent justifiées. Dans un jugement rendu le 29 novembre 2011, le TGI de Paris les déboute de l’intégralité de leurs demandes. Nous rendons compte cette semaine des principaux éléments d’analyse du TGI de Paris avant de consacrer dès le prochain numéro un dossier sur le sujet avec les commentaires de la CGT et de l’UIMM.
DURÉE DU PRÉAVIS ET PÉRIODE D’ESSAI (art. 15 et 7)
Présentation de la clause contestée
Durée du préavis. La convention collective prévoit, en cas de rupture du contrat de travail, une durée de préavis de trois mois pour les salariés ingénieurs et cadres, dit les IC, et de un à deux mois pour les salariés employés, techniciens et agents de maîtrise, dit les ETAM, selon leur ancienneté (plus ou moins deux ans) ou leur coefficient hiérarchique conventionnel quelle que soit l’ancienneté acquise.
Période d’essai. La convention collective prévoit des périodes d’essai d’une durée inférieure à la durée maximale légale et fixe des durées différentes pour les ETAM et les IC.
Motivation du jugement
Le TGI de Paris précise que « compte tenu de la nature des missions et des responsabilités confiées aux IC de la branche d’activité concernée (chef de projet, intervention auprès des clients, organisation des missions…), la nécessité de finaliser des projets en cours, d’en d’informer les autres collaborateurs ainsi que la difficulté plus grande pour l’employeur de remplacer un IC et de vérifier l’adéquation d’un candidat IC au poste proposé, l’étude sociodémographique produite confirmant que les entreprises du secteur de l’informatique et de l’ingénierie ont des difficultés à recruter du personnel qualifié, la durée supérieure du préavis applicable aux salariés IC apparaît justifiée au regard de la spécificité de leurs fonctions ». L’article 15 de la convention n’est donc pas « déclaré illicite ». Le TGI de Paris statue ensuite sur la période d’essai, pour laquelle la différence de traitement entre cadres et non-cadres est prévue par l’article L. 1221-19 du Code du travail. Le juge envisage la durée du préavis comme le « dispositif miroir de la période d’essai » (selon les termes de la CFDT) et précise « qu’à une période de préavis plus longue pour les IC correspond une période d’essai plus longue ».
INDEMNITÉ DE LICENCIEMENT (art. 19)
Présentation de la clause contestée
La convention collective définit un montant différent de l’indemnité de licenciement pour les ETAM et les IC :
– pour les ETAM :
•* pour une ancienneté acquise entre deux et vingt ans : 0,25 mois par année de présence ;
•* à partir de vingt ans d’ancienneté : 0,30 mois par année de présence, sans pouvoir excéder un plafond de dix mois;
– pour les IC :
•* après deux ans d’ancienneté : 1/3 de mois par année de présence sans pouvoir excéder un plafond de douze mois ;
Motivation du jugement
Le TGI de Paris rappelle que « les indemnités de licenciement présentent un caractère indemnitaire et ont pour objectif de compenser les préjudices résultant de la perte d’emploi ». Il précise que « pour des salariés IC ayant des rémunérations plus élevées que celles des salariés ETAM, la perte financière en cas de perte d’emploi est plus importante ». En outre, « les IC, dont les fautes dans l’exercice de leurs missions sont appréciées différemment et plus sévèrement au regard des responsabilités qui leur sont confiées, ne sont pas placées dans une situation identique à celles des ETAM au regard du risque de licenciement ». Compte tenu de ces éléments mais aussi « du caractère mesuré de la différence instaurée », l’article 19 de la convention collective « n’apparaît pas contraire au principe d’égalité de traitement des salariés au regard de la spécificité de leurs situations respectives ».
PAIEMENT DU TRAVAIL HABITUEL DE NUIT, DU DIMANCHE ET DES JOURS FÉRIÉS (art. 37)
Présentation de la clause contestée
La convention collective prévoit, pour les seuls salariés ETAM, que lorsque l’organisation du travail nécessite le travail habituel de nuit, du dimanche ou des jours fériés, les heures de travail ainsi effectuées bénéficient d’une majoration de 25 % appliquée sur le taux horaire découlant du minimum hiérarchique, sous réserve que ces heures soient incluses dans un poste comportant au moins six heures consécutives. La convention précise que pour apprécier si cette majoration est perçue par l’intéressé, il est tenu compte des avantages particuliers déjà accordés à ce titre dans l’entreprise et soumis à cotisations sociales.
Motivation du jugement
Le TGI de Paris rappelle que « l’article 36 de la convention collective ne définit effectivement le travail habituel de nuit, du dimanche et des jours fériés que pour les ETAM » en raison du contenu même de leur emploi et de leur mission. L’article 37 de la convention « n’instaure donc pas de différence de traitement entre les IC et les ETAM au regard de la compensation pécuniaire en cause, mais définit la compensation accordée à ces derniers lorsqu’ils travaillent habituellement de nuit, le dimanche ou les jours fériés, le travail habituel de nuit, des dimanches et des jours fériés des IC n’étant pas prévu par la convention collective ». Le TGI précise que « s’agissant du travail exceptionnel du dimanche et des jours fériés, les deux catégories de personnel sont rémunérées dans les mêmes conditions ».