► La cour d'appel de Versailles reconnaît la discrimination subie par une cadre en raison de son sexe, de ses maternités et congés parentaux
Subit une discrimination en raison de son sexe féminin et de ses maternités et congés parentaux à temps partiel, une salariée cadre qui subit un blocage de sa carrière à partir de la naissance de son deuxième enfant, dont la charge de travail n'est pas aménagée pour prendre en compte son congé parental à temps partiel, et à qui toute mobilité est systématiquement refusée, son employeur ne justifiant pas cette situation par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. C'est ce que retient la cour d'appel de Versailles (Yvelines) dans un arrêt du 10 octobre 2012 qui accorde 20 000 euros de dommages-intérêts en réparation de la discrimination subie par une cadre informatique de la société Bouygues Télécom.
Engagée en 1996 par Bouygues Télécom comme responsable bases de données, une cadre informatique est nommée en 2001 chef de groupe, aux fonctions de chef de projet. Mère de trois enfants nés entre 1999 et 2003, elle obtient deux congés parentaux pour travailler à temps partiel à partir de 2004. Il est convenu contractuellement avec son employeur qu'elle ne travaille pas le mercredi. Licenciée en 2008 pour « insuffisance professionnelle », elle saisit la justice, soutenant avoir été victime d'une discrimination en raison de son sexe, de ses maternités successives et de ses congés parentaux à temps partiel.
ABSENCE DE PRISE EN COMPTE DU TEMPS PARTIEL DANS LA CHARGE DE TRAVAIL
La cour d'appel de Versailles lui donne raison. Elle relève en premier lieu que la hiérarchie de la salariée n'a pas pris en compte son temps partiel dans sa charge de travail, en n'aménageant pas cette dernière et en organisant à plusieurs reprises des réunions le mercredi. Il est établi « que malgré son temps partiel [la salariée] travaillait souvent les mercredis alors qu'elle n'était payée que pour un temps partiel », relèvent les juges d'appel.
La cour d'appel considère en second lieu qu'il « ressort de la comparaison entre les définitions des groupes, positions et qualifications auxquels peuvent prétendre les salariés selon la convention collective applicable, et l'évolution de carrière [de la salariée], que celle-ci a été bloquée ». En effet, « en application des règles conventionnelles, la salariée aurait pu prétendre devenir chef de service adjoint à partir de 2004 puisqu'elle remplissait les conditions d'ancienneté, de formation supérieure, […] et bénéficiait de très bonnes évaluations annuelles ». Le déroulement de carrière de collègues hommes produit par la salariée établit « qu'ils ont eu un parcours professionnel ascendant avec des promotions rapides ou immédiates dans l'entreprise, à diplôme équivalent avec celui » de la salariée. Les juges d'appel constatent en outre qu'à « compter de fin 2007, [la salariée] s'est portée candidate sur plusieurs postes dans le cadre de la mobilité interne ». « Il lui a été répondu systématiquement par la négative. »
Enfin, la cour d'appel relève que si la rémunération de l'intéressée a « toujours dépassé les minima conventionnels », « son salaire de base n'a bénéficié d'aucune augmentation individuelle » pendant la période entre son deuxième et son troisième congé de maternité, et pendant son premier congé parental à temps partiel. La salariée « relève justement que, parallèlement à cette absence d'augmentation individuelle du salaire de base, elle percevait des 'bonus sur objectifs' et des primes exceptionnelles » récompensant « le bon travail réalisé ».
PERTE DE CHANCE DE SE VOIR ATTRIBUER UN POSTE DE CHEF DE SERVICE
Pour la cour d'appel, l'employeur n'établit pas que « ses décisions relatives à la rémunération et à la charge de travail » de la salariée « et les refus de mobilité au sein de l'entreprise de la salariée qui n'a pas été promue depuis 2004 jusqu'à son licenciement en 2008 » étaient justifiés par « des éléments objectifs étrangers à toute discrimination en raison du sexe de la salariée, de ses congés de maternité et parentaux à temps partiel ». Cette discrimination ayant « eu pour effet de faire perdre à la salariée une chance de se voir attribuer un poste de chef de service adjoint ou de chef de service, et d'obtenir une augmentation régulière de sa rémunération », la cour d'appel lui alloue 20 000 euros nets « en réparation de son préjudice ».
En ce qui concerne la rupture, la cour d'appel, après avoir écarté les griefs invoqués par l'employeur pour justifier l'insuffisance professionnelle de la salariée, juge le licenciement sans cause réelle et sérieuse, mais refuse de déclarer nul le licenciement en raison de la discrimination.