Le 23 mars 2012
► Jurisprudence : la sélection de la semaine (portable au volant, vidéosurveillance, travail dissimulé, heures supplémentaires, harcèlement)
Faute grave d'un ambulancier conduisant en utilisant son téléphone portable, cadre ayant réalisé un volume important d'heures supplémentaires indemnisé pour travail dissimulé, installation d'une vidéosurveillance retenue comme fait laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral… Voici une sélection d'arrêts récents de la Cour de cassation non publiés au bulletin de la Cour.
FAUTE GRAVE
Usage du téléphone portable au volant sans kit mains libres. Le fait pour un ambulancier d'utiliser son téléphone portable au volant sans recourir à un kit mains libres n'est pas une faute grave dès lors qu'il ne l'a fait que de façon occasionnelle et qu'il n'a jamais fait l'objet d'avertissement à ce sujet de la part de son employeur (Cass. soc., 14 mars 2012). Pour justifier le licenciement pour faute grave de cet ambulancier, l'employeur invoque le fait que ce comportement constitue un manquement à la sécurité et une infraction pénale. La cour d'appel, approuvée par la Cour de cassation, se fonde sur le caractère occasionnel de la faute et sur le fait que l'employeur n'a jamais adressé au salarié un quelconque avertissement sur sa manière de conduire pour estimer que ces faits ne sont pas assez sérieux pour justifier un licenciement.
TRAVAIL DISSIMULÉ
Cadre - volume important d'heures de travail - faits connus de l'employeur. Le travail dissimulé existe lorsque l'employeur, de façon intentionnelle, mentionne sur les bulletins de paie un nombre d'heures inférieur à celui effectivement réalisé. Tel est le cas lorsqu'une salariée accomplit un volume fort important d'heures supplémentaires, relevé avec précision par une badgeuse, ce fait n'étant pas ignoré de sa hiérarchie. En outre, eu égard à sa qualité de chef de service responsable du contentieux, elle est dispensée, par une clause de son contrat de travail, de demander l'autorisation d'effectuer des heures supplémentaires (Cass. soc., 15 mars 2012, OPAC de Tours). L'employeur est condamné à payer à la salariée des dommages intérêts pour travail dissimulé.
HARCÈLEMENT
Installation d'une vidéosurveillance. L'installation d'un système de vidéosurveillance dans le seul magasin où travaille une salariée est un fait qui permet de présumer l'existence d'un harcèlement moral (Cass. soc., 14 mars 2012). Une responsable de magasin en arrêt maladie est licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement. La cour d'appel estime le licenciement justifié au motif que « rien ne permet de confirmer que l'utilisation de caméras de surveillance dans le magasin aurait été dirigée contre Mme X. et que les seuls griefs pouvant être retenus à la charge de la société parmi ceux dénoncés par la salariée comme ayant contribué à la dégradation de ses conditions de travail étaient l'avertissement injustifié du 9 février 2006 et le recours par l'employeur à un huissier de justice pour constater la fermeture du magasin ce jour-là ».
À tort, estime la Cour de cassation, qui rappelle que le harcèlement moral peut être constitué indépendamment d'une volonté de harceler de l'employeur et qu'il appartient aux juges du fond de prendre en considération l'ensemble des éléments invoqués par la salariée qui pouvaient être de nature à permettre de présumer un harcèlement moral. En l'espèce, la cour d'appel aurait dû tenir compte de « la mise en place d'un système de vidéosurveillance dans le seul magasin où travaillait la salariée et des éléments de fait relatifs à son état de santé ».
Absence de mesures prises par l'employeur - résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur. Est justifiée la reconnaissance d'un harcèlement moral dans le cas d'une salariée qui, « après avoir été harcelée moralement par l'animateur de son équipe, a continué, malgré le licenciement de celui-ci au mois de juillet 2007, à être victime de diverses rumeurs répandues par ses collègues au point qu'elle a dû déposer plainte pour harcèlement en novembre 2007, et a subi, dans ce contexte amplifié par la révélation de la transaction conclue par l'employeur avec le salarié licencié, des pressions psychologiques de sa supérieure hiérarchique ».
Dès lors, la cour d'appel, ayant constaté que « l'employeur n'avait pas pris les mesures en vue de faire cesser ce harcèlement », a pu décider que ce manquement était suffisamment grave pour justifier une résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur (Cass. soc., 15 mars 2012). La Cour de cassation confirme la condamnation de la société à payer à la salariée diverses sommes au titre du harcèlement moral, du licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité de préavis et d'indemnité de licenciement.
LICENCIEMENT ÉCONOMIQUE
Motif - mutation technologique. Est justifié le licenciement économique d'un salarié motivé par une mutation technologique résultant de l'adoption d'un procédé de fabrication par impression numérique, remplaçant le procédé existant d'impression sérigraphique (Cass. soc., 15 mars 2012). C'est à tort que la cour d'appel a estimé ce licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif que l'employeur ne justifiait pas en quoi l'adoption du nouveau procédé de fabrication participait de la sauvegarde de son entreprise, « nul document économique ne démontrant en effet que la mise en service de cette nouvelle technologie a permis à l'entreprise d'éviter une baisse de son chiffre d'affaires ou de gagner des parts de marché ». La Cour de cassation rappelle que les mutations technologiques constituent un motif économique autonome de licenciement.