De nombreux salariés se posent la question de la légitimité d’un employeur à modifier leur contrat de travail ou leurs conditions de travail. Si la législation interdit toute modification unilatérale d’un contrat, la jurisprudence doit toutefois concilier cette règle avec le pouvoir de direction du chef d’entreprise.
PRINCIPE
Historiquement, la jurisprudence différenciait les éléments substantiels des éléments non substantiels du contrat de travail. Cette appréciation a été revue par la Cour de Cassation dans des arrêts du 10 juillet 1996 pour différencier les éléments relevant du contrat de travail des éléments relevant des conditions de travail.
Il en résulte qu’un employeur ne peut pas modifier un élément du contrat de travail de ses salariés sans leur accord.
A l’inverse, l’employeur peut modifier unilatéralement les conditions de travail de ses salariés.
La Cour de Cassation n’a toutefois pas totalement abandonné la notion d’élément essentiel (ou substantiel) du contrat de travail. Car des éléments relevant des conditions de travail peuvent être mentionnés sur le contrat de travail. Dans ce cas, ces éléments sont considérés comme des éléments informatifs (ou non essentiels) du contrat de travail, en opposition aux éléments contractuels (ou essentiels) du contrat de travail.
Les éléments informatifs du contrat de travail relèvent ainsi des conditions de travail et peuvent donc être unilatéralement modifiés par l’employeur.
CONDITIONS DE LA MODIFICATION
Toute modification apportée par un employeur, qu’elle concerne les conditions de travail ou un élément essentiel du contrat de travail, doit être motivée par une cause réelle et sérieuse et doit être exempte de toute forme de discrimination.
Remarque : Le contrat de travail peut prévoir une éventuelle modification ultérieure de certains éléments (horaires par exemple), hors clauses unilatérales de révision. Dans ce cas, lorsque la modification survient, il ne s’agit pas d’une modification du contrat de travail mais de l’exécution normale du contrat de travail. Les modifications ne sont donc pas opposables à l’employeur. La jurisprudence conditionne toutefois la validité de ces clauses, elles doivent être fondées sur des éléments objectifs, indépendants de la volonté de l’employeur.
MODIFICATION DES CONDITIONS DE TRAVAIL
Un employeur peut librement modifier les conditions de travail de ses salariés, du moment que ces modifications sont inhérentes au bon fonctionnement de l’entreprise. Ce principe résulte du pouvoir de direction et de gestion de l’employeur.
Le salarié ne peut s’opposer à la modification de ses conditions de travail. Tout refus constitue un manquement à ses obligations contractuelles pouvant être sanctionné, éventuellement par un licenciement.
A noter cependant que le refus par le salarié de modifier ses conditions de travail ne relève pas obligatoirement de la faute grave. La Cour de Cassation a récemment fait évoluer ses jugements en tenant notamment compte de la situation personnelle du salarié (ancienneté, enfants à charges, etc.).
A titre d’exemple, sont considérés comme modification des conditions de travail :
► La mutation d’un salarié sur un autre lieu de travail mais dans le même secteur géographique. A noter que la notion de secteur géographique n’est pas clairement définie par la Cour de Cassation, si bien qu’elle peut s’apprécier en fonction de la région où travaille le salarié, et notamment des transports qui s’y trouvent. (Clause de mobilité)
► L’aménagement des horaires de travail, sans modification de la durée du travail.
► Le changement de poste dans un autre département ou service de l’entreprise, du moment que la qualification du salarié ne change pas.
Remarque : toute modification des conditions de travail d’un salarié protégé (congé maternité ou paternité, par exemple) n’est possible qu’avec son accord. En cas de refus et si l’employeur souhaite procéder au licenciement du salarié protégé, il devra suivre la procédure spécifique, notamment subordonnée à l’accord préalable de l’inspection du travail..
MODIFICATION DU CONTRAT DE TRAVAIL
Toute modification du contrat de travail est subordonnée à l’acceptation par le salarié. Par conséquent, le refus du salarié d’accepter une modification de son contrat de travail n’entraîne pas de faute mais peut conduire à son licenciement.
Ainsi, en cas de refus par le salarié, l’employeur peut :
► Poursuivre la relation contractuelle avec le salarié dans les conditions initialement définies par le contrat de travail ;
► Licencier le salarié. Le motif du licenciement sera alors celui qui a conduit à proposer la modification du contrat de travail, le refus de la modification du contrat de travail ne pouvant constituer un motif de licenciement. La cause doit être réelle et sérieuse.
En cas d’acceptation de la modification par le salarié, celle-ci fera l’objet d’un avenant porté au contrat de travail.
Remarque : l’employeur peut revenir sur sa proposition de modification d’un élément du contrat de travail tant qu’il n’a pas reçu de réponse du salarié.