► Harcèlement moral : le management en prend pour son grade
La Cour de Cassation reconnaît la responsabilité du mode de management dans le harcèlement moral, dans un arrêt du 19 novembre.
Capucine Cousin | LEntreprise.com | Mis en ligne le 26/11/2009
Un arrêt de la Cour de Cassation du 19 novembre 2009 reconnaît que le harcèlement moral peut être dû à des méthodes de management relevant de l'employeur, et s'appliquant à tout le personnel. Il fait suite à un arrêt rendu le 8 octobre 2007 par la Cour d'Appel de Grenoble (Chambre sociale).
Ce jugement est une petite bombe qui, mine de rien, va être lu de très près par les avocats spécialisés - et les DRH - en matière de harcèlement moral. Une pratique remise en lumière par la vague de suicides chez France Telecom, avec les conséquences chez les salariés de méthodes de management trop musclées.
De fait, la plus haute juridiction avait été saisie d'un pourvoi par l'association des colonies de vacances de la ville d'Aix en Provence, Salon Vacances Loisirs, à propos de l'annulation avec dommages et intérêts du licenciement d'un salarié pour une inaptitude consécutive à un harcèlement moral.
Des sanctions que la Cour a confirmées, en définissant le harcèlement moral comme des « méthodes de gestion mises en ouvre par un supérieur hiérarchique », qui se manifestent, à l'encontre d'un salarié déterminé, « par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
Mode de management pointé par la Cour
En clair - et c'est là la nouveauté - en évoquant des « méthodes de gestion », la Cour a reconnu pour la première fois, dans cet arrêt, qu'un mode de management - donc des règles s'appliquant à l'ensemble des salariés - peut être à l'origine du harcèlement moral. « Le directeur de l'établissement soumettait les salariés à une pression continuelle, des reproches incessants, des ordres et contre-ordres dans l'intention de diviser l'équipe (.) », précise l'arrêt.
Le tribunal va donc un peu plus loin en visant l'employeur : déjà l'arrêt du 21 juin 2006 leur rappelait leur obligation de résultat en termes de prévention du harcèlement moral.
Qui plus est, cette nouvelle jurisprudence ajoute une nouvelle pièce à l'édifice des tenants d'une reconnaissance du « harcèlement organisationnel », décidé à la tête d'une entreprise. « Dans cet arrêt du 19 novembre, c'est une personne, le directeur de l'établissement, qui est pointé. Certes, ce n'est pas la direction générale d'un groupe. Mais il est dit qu'il "soumettait les salariés", et pas une seule personne », analyse Philippe Ravisy, avocat spécialisé en droit social.
La nouveauté étant donc que ce n'est plus une relation interpersonnelle qui est condamnée, mais une relation entre un responsable et son équipe.
Contexte de précisions autour du harcèlement moral
En fait, cette nouvelle jurisprudence arrive dans un contexte de remise à jour du harcèlement moral. « On a connu un grand vide sur le sujet entre 2002 et 2008, où l'on disposait pour seul argument d'une exécution de mauvaise foi du contrat de travail » », pointe Philippe Ravisy.
Preuve que la haute juridiction veut formaliser juridiquement la notion de harcèlement moral. Un autre arrêtpublié le 10 novembre s'est ajouté à cette construction : il reprécise la définition du harcèlement moral, en rajoutant qu'il n'y a pas besoin d'une intention de nuire de l'auteur des faits pour qu'un harcèlement moral soit reconnu.
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